Jour 10 – Communion

Je ne suis pas la personne la plus extravertie qui soit. Je n’aime pas les grandes foules, je refuse parfois les sorties lorsque je sais qu’il y a de bonnes chances que je connaisse moins de la moitié des personnes présentes. Alors dans un festival, comment je m’en sors? Du monde, du bruit, des sollicitations, est-ce vraiment pour moi?

Oui. Durant ces dix jours, je profite bien sûr des concerts, mais aussi de toute l’équipe qui organise cet événement. Ils et elles ont une si belle humanité, que tout devient simple pour un esprit parfois torturé lorsqu’il s’agit d’interactions sociales. Même en étant extérieur à toute l’organisation du festival, je me sens chez moi quand je viens ici. Et je suis sûr que je ne suis pas le seul à ressentir cette générosité sans limites. Toute cette douceur, toute cette bienveillance, me font beaucoup de bien. Je n’ai aucun doute sur le fait que cela participe
aux émotions qui me traversent aussi pendant les concerts.

Je pense à tout cela pendant les concerts de Lea Maria Fries, puis de Christie Dashiell. Deux beaux concerts, deux beaux moments, qui m’auront peut-être moins marqué que la pléthore d’instants merveilleux que j’ai vécus durant ces 10 jours.

Je repense à Christine Salem et au maloya, qui nous ont rappelé que la musique est indissociable de l’histoire et des luttes pour l’égalité. Je repense aux répertoires de Giorgi Mikadze et Tigran Hamasyan, dont j’ignorais tout. Je repense à C-Ly, qui joue une musique à mille lieues de mes habitudes et qui restera pourtant l’un des plus beaux concerts de cette année pour moi. Je repense à mon tour du monde exalté avec Renaud Garcia Fons. Je repense à la direction artistique de Daniel Yvinec, qui a guidé deux de nos plus beaux saxophonistes français, Baptiste Herbin et Pierrick Pedron. Je repense au concert d’un des grands musiciens que j’admire, et que je ne reverrai peut-être plus jamais, Kenny Barron. Je repense à la recette universelle pour recharger mes batteries, Ludivine Issambourg.

Demain, il n’y aura pas de rendez-vous à l’Office de Tourisme. Je ne croiserai pas le regard bienveillant de Sébastien Farge, qui a été le fil rouge et le cœur battant de ma semaine, m’enseignant l’accordéon et l’amour du patrimoine avec une générosité inépuisable. Demain, je vais devoir me nourrir de nourriture terrestre, et le silence va me sembler assourdissant.

Je suis épuisé, c’est certain. Mon système nerveux, que j’ai tant sollicité, réclame une pause. Mais c’est une fatigue délicieuse. Celle du voyageur qui rentre chez lui après avoir vu des paysages qu’il ne soupçonnait pas. Je repars avec des certitudes ébranlées et une curiosité affamée. Je repars avec la gratitude de celui qui a vécu, pendant dix jours, un peu plus fort que le reste de l’année, grâce à celles et ceux qui font le festival, sur scène et en dehors. Le silence peut revenir, maintenant. Je suis prêt à l’écouter, car il est désormais peuplé de souvenirs impérissables.

Alexandre Fournet

 

© Photo Didier Radiguet