Jour 5 – Clairs, Obscur

Duo Jatekok

Si l’on regarde mon “recap” de l’année passée sur la plateforme de streaming que j’utilise, parmi les cinq titres les plus écoutés, quatre sont de Sébastien Farge. Seule Brandee Younger a su se frayer un chemin dans mon top 5. Autant dire que la perspective de pouvoir le retrouver presque tous les midis cette semaine, à l’Office de tourisme, m’enchante. Pour ce premier rendez-vous, je découvre Marjolaine Paitel dans une formule très différente du concert d’hier soir. Entendre les compositions de l’accordéoniste sous un autre jour, mis en mots par la chanteuse, me met en joie. Tout comme ce bonheur épidémique de jouer ensemble, qui exsude de leur prestation. Cela augure d’encore quelques midis limougeauds savoureux.

L’accordéoniste n’est pas le seul à se produire à répétition, puisque la meilleure nouvelle de la journée, c’est que je vais pouvoir dès demain reprendre une bonne lampée du trio de Baptiste Herbin. Bien en verve et bien en verbe, le saxophoniste propose en cette fin d’après-midi un programme autour de Django Reinhardt. Pour faire court, c’est du génie. Le jeu si dextre de Baptiste Herbin s’insère parfaitement dans son élégante réécriture d’une partie de l’œuvre du guitariste. Et pourtant, il a su en garder les couleurs originales, notamment en fin de phrases. Et avec Sylvain Romano et André Ceccarelli pour accompagner le saxophoniste, que demande le peuple ? Probablement une deuxième session, même heure, même endroit. En tout cas, j’y serai.

Changement total de registre avec le concert du soir. Je suis un novice du classique et du contemporain. Ce n’est pas ma sensibilité première, mais cela ne m’empêche pas de m’installer dans le Grand Théâtre de Limoges sans aucun a priori, curieux. Le début du
concert est plaisant, j’apprécie la musique minimaliste, et les pièces de Baptiste Trotignon sont à mon goût. Je passe un moment sympathique. Viennent ensuite trois compositions autour du blues de Fabien Touchard. Je n’en saisis malheureusement pas l’intérêt. Jusqu’ici, il me manque un élément crucial, la touche Jatekok. La musique est jouée parfaitement, avec rigueur et précision. J’ai l’habitude et le besoin de sentir que la musique est personnelle, ou que l’on en fait quelque chose de personnel. Jusqu’ici, je n’arrive pas à ressentir l’univers du duo. Avec Crazy Quilt, je n’y suis toujours pas, mais durant leur interprétation de Lonely Woman, ça y est. J’entends enfin le Duo Jatekok, j’ai le bonheur de redécouvrir ce morceau autrement, avec leur version. Modern Music profite, me semble-t-il, de l’élan insufflé par la pièce précédente, et j’entre dans le concert. Je suis enfin prêt, avec elles. Le duo se lève, salue, s’en va. Bien sûr, il y aura trois rappels, et le premier, Blue Rondo à la Turk, est du même acabit que les compositions qui l’ont précédé. Mais, la prestation est, somme toute, terminée.

Je n’ai pas pour habitude de décortiquer ainsi un concert, mais après ce moment, je suis un peu perdu. Selon moi, le concert aurait dû commencer par Lonely Woman. Sur ce morceau, le duo a une véritable interprétation personnelle et touchante. C’est à ce moment-là que j’ai vraiment l’impression d’entendre le Duo Jatekok. Je me dis qu’en partant de là, et en essayant de garder quelque chose de cette interprétation sur le reste du programme, sans forcément le changer -à l’exception des blues-, ce concert m’aurait paru différent, et m’aurait probablement plus touché. Peut-être est-ce simplement la sensibilité, l’habitude, et les connaissances, qui m’ont fait défaut ce soir. Je retiens le Lonely Woman, en me disant que l’interprétation de ce morceau représente vraiment ce qu’ont à offrir les deux pianistes.

Alexandre Fournet

 

©Photo Didier Radiguet