Je souffle. Je gémis. Je soupire. J’ai le regard dans le vide. Il faut que ça sorte. Je prends de grandes respirations. Que le grand cric me croque et me fasse avaler ma barbe. Nom d’une pipe, quel concert. Tonnerre de Limoges, je viens d’assister à une série de fulgurations tonitruantes.
Quel concert. J’avais déjà fini extatique après le concert du quartet de Sébastien Farge l’an dernier. Je me souviens encore de mon état, surexcité, empli de belles émotions qui avaient pris le contrôle de mon corps. Je me souviens de la complicité de Sébastien Farge avec les autres membres du quartet, du bonheur infini qui semblait l’habiter tout au long de cette performance. Mais ce soir, Sébastien Farge nous a offert toute son humanité, et avec elle, son rêve. La charge émotionnelle de ce moment, de cette musique, était tout bonnement renversante. Je ressens une gratitude immense pour le cadeau que l’on nous a fait ce soir. Le travail d’arrangement est splendide, tout comme la direction de l’orchestre. Les compositions de Sébastien Farge flamboient avec une nouvelle intensité.
Chloé Meyzie crée, dans chacun de ses gestes, une sorte de magie silencieuse, une alchimie entre la rigueur nécessaire à un orchestre et la liberté assumée d’un quartet habitué aux pas de côté. L’accordéoniste et la cheffe d’orchestre sont dos à dos, et pourtant, ensemble, ils subliment la musique d’Origines. Elle est plus grande, plus vibrante, plus humaine.
Lorsque l’accordéoniste prend la parole pour la première fois, le concert est déjà bien entamé. Une partie du programme de la soirée a été consommée, et, dès le Concerto Indigo, il avait commencé à pleuvoir sur mes joues, au moment de la première intervention de l’orchestre symphonique de Limoges. Je suis mûr. Prêt à être cueilli. Mon rythme cardiaque a déjà bien accéléré, et quand je me rends compte que Sébastien Farge prend beaucoup de temps, de respirations, pour aller au bout de ce qu’il veut dire, je sais très bien ce qui va m’arriver sur la tête. Son solo commence. Avis de tempête sur mes pommettes. Et ça dure, ça dure. Faites que ça ne s’arrête jamais.
Nous arrivons à Vesoul. Ah j’ai voulu voir Vesoul. Je l’ai bien vu, ils me l’ont mis en plein visage. Ce Vesoul est difficile à décrire. Comment se fait-il que ma chère langue française ne puisse pas me souffler les mots pour expliquer ce Vesoul. Monumental? Sensationnel? Exceptionnel ? Je n’effleure même pas une once de la grandeur de ce moment. Merci Amaury Faye, merci Gautier Laurent, merci Francis Arnaud pour ce Vesoul. Cet instant, et ce concert, viennent de se tailler une place de choix au panthéon des moments musicaux inoubliables qui clairsemeront mon existence.
Par Alexandre Fournet
Crédit photo : Didier Radiguet