Être soi. Un énoncé si simple, pour une réalité si complexe. Les faux semblants, les sourires contrits, le regard des autres, le besoin d’exister, la peur de ne pas pouvoir être simplement qui l’on est, sans y réfléchir. Sans nœuds à l’esprit, sans que l’on ne se sente obligé d’être quelqu’un d’autre. Être soi, cela peut être le travail d’une vie. Parfois, on peut être grandement aidé dans cette voie. Guidé par une petite lumière qui émane de quelqu’un qui sait être soi, et accepter l’autre.
Ce matin, des élèves d’école primaire de Beaubreuil ont pu profiter d’un moment d’échange avec Mangane, que l’on avait eu l’habitude de voir sur scène durant les éditions précédentes. C’était un véritable instant partagé, touchant et généreux, de transmission, d’histoires mêlées, racontées et chantées ensemble. Mangane a pu dire d’où il vient, raconter ce qu’il est et comment il s’est construit, notamment grâce aux autres. Sans s’imaginer prophète, dans une belle authenticité qui résonnait avec les enfants présents, mais qui pouvait finalement résonner avec tout l’auditoire. J’ai la sensation que Mangane, et Elise Demaret avec lui, ont offert à ces enfants la possibilité d’être eux-mêmes, et de réfléchir à ce que cela peut signifier.
Florence Eymery et Baptiste Poncelet ont également donné de leur soi, à la BFM de la Bastide en fin d’après-midi. Je les retrouvais sur le festival après les avoir découverts en 2022 en trio avec Alma Flamenca. La musique et les intentions ont, il me semble, beaucoup changé. La façon qu’a le duo d’être ensemble, la simplicité de leurs sourires complices, de leurs boutades, et l’authenticité de leur être, donnent une profondeur délicieuse à leurs compositions. Le duo est, selon leurs propres dires, dans une effervescence bénéfique propice à la création joyeuse, mais aussi à l’approfondissement de ce qu’est leur musique. Lorsque Florence Eymery pose quelque temps sa flûte pour chanter une composition inédite qui parle de ce qu’elle est et a été, cela fonctionne immédiatement, comme une évidence. Il ne m’aura manqué qu’une chose, du temps, celui qui me pressait déjà vers le concert à l’Opéra.
Là encore, tout est question d’être soi. Je découvre ce soir Jeanne Added, et quelle découverte! La chanteuse interprète ses émotions, à tel point que sa colère, sa joie, son amour m’explosent à la figure. Elle se laisse être complètement, et elle laisse son corps être complètement. Elle est elle, complètement libre de faire ce qu’elle veut, avec les trois artistes qui l’accompagnent à l’unisson, Bruno Ruder, Naël Kaced et Laetitia N’Diaye. En étant elle, elle leur laisse aussi la possibilité d’être totalement eux. Je me surprends à ne plus penser à la capacité vocale pourtant phénoménale de la chanteuse, et des chanteurs avec elle, simplement captivé par les émotions que je ressens. Finalement, grâce à eux, je me sens, moi. C’est un peu vertigineux, très intense, merveilleux.
Par Alexandre Fournet
Crédit photo : Didier Radiguet / Anne Sophie Dubreuil (dernière photo)