Jour 8 : Entre Ombre et Lumière

Deux concerts en un. A chaque fois que Jî Drû souffle dans sa flûte traversière, je commence à partir. Le son de cet instrument que l’on ne voit pas suffisamment dans l’univers de la musique improvisée a une capacité indéniable de subjugation. Et lorsque celui qui le manie maîtrise son sujet à la perfection, on s’abandonne peu à peu aux arabesques sibyllines que le flûtiste produit. Quand il la quitte pour chanter, parler, souffler, danser, un autre concert s’ouvre. L’ambiance est plus grave, plus lourde.

Le passage de l’un à l’autre est parfois abrupt. Si bien que je m’en retrouve à plusieurs reprises dérouté. Une dissociation s’opère en moi. Tantôt je suis emporté par des effluves sonores qui me transportent instantanément, tantôt je retombe dans un environnement sombre, noir. Deux concerts en un.

Le premier concert est lumineux, il m’exalte. Les rythmes imprimés par Mathieu Penot et Arnaud Forestier m’emportent, seulement guidé par les phares Sandra Nkaké et Jî Drû. Je retrouve l’alchimie du dimanche, dans un équilibre différent. Le flûtiste aborde son jeu de façon unique, il chante dans son embouchure et le son qui en sort a des allures de chimère, à tête d’instrument et queue humaine.

Le second concert me plonge dans une torpeur inquiétante. Mon esprit vagabonde, je perds le fil. Pourtant, je suis toujours là, avec les musiciens. Mais je ne suis pas à mon aise. Plutôt que de m’emporter, Mathieu Penot et Arnaud Forestier m’inquiètent. Plutôt que de me guider, Sandra Nkaké et Jî Drû tentent de m’engloutir. Me voilà seul face à cette musique, alors qu’un instant auparavant je semblais la découvrir de concert, en concert avec l’assistance.

C’est d’autant plus déroutant qu’il ne s’agit pas de changements qui s’opèrent d’un morceau à un autre, mais au sein d’une même pièce. Chaque segment arbore cette antinomie surprenante, comme une histoire que l’on vous conte, avec des instants de joie, d’allégresse et des périodes plus angoissantes, brumeuses. Une soirée en recueil de nouvelles, en fait. Avec comme dénominateur commun, cette ambivalence qui ne nous quitte jamais, qui s’installe un peu plus à chaque nouveau conte, qui s’affirme et dont je prends conscience progressivement.

Western“. Quatre remarquables conteurs pour une épopée. Équivoque, complexe, cette fresque est bien à l’image de ce qu’elle entend évoquer. Des pires vicissitudes aux plus douces représentations, des merveilles créatrices aux inquiétantes réalités. De l’ombre, à la lumière.

photo : Didier Radiguet