Jour 10 : Révélations 

J’essaie toujours d’écrire juste après les concerts. Cela me permet d’avoir des souvenirs clairs, d’abord, et ensuite de pouvoir extraire les dernières effluves des émotions qui m’ont traversées. Cela peut donc m’emmener au cœur de la nuit, selon mon inspiration du soir et l’heure du dernier concert. Et le lendemain, je dois compter sur mon réveil si je ne veux rien manquer du festival. Ce matin, il m’a trahi. Il est 12h30 lorsque j’émerge et AMG est déjà bien loin. Je ne peux pas dire que je suis ravi. Je n’avais entendu que des louanges à leur égard, et j’avais cru comprendre que leur univers me siérait particulièrement. Puisqu’il ne me reste plus que cela, je pars en quête de leur musique sur internet. Et effectivement, il m’apparaît tout de suite que j’aurais passé un merveilleux moment. Le quartet AMG a déjà d’excellentes compositions et un jeu suffisamment étoffé pour les servir. Je me console en me disant qu’avec un tel niveau, je devrais pouvoir les revoir sans trop tarder. C’est donc tout penaud que je me rends à mon premier concert de la journée, au musée des Beaux-Arts.

Le Melkoni Project propose pour l’occasion un petit menu dégustation en trois temps. Raphaël Tristan Jouaville nous offre en guise de mise en oreille un solo de violon qui me fait bien vite oublier mes déceptions matinales, appréciant particulièrement les fugaces références à Round’ Midnight. Cette introduction m’a mis en appétit et j’ai désormais faim de l’entrée durant lequel le violoniste est rejoint par Gwen Cahue. Forcément, avec un duo guitare violon, le jazz manouche n’est jamais loin et les deux instrumentistes ne vont pas se gêner pour aller explorer ces univers. Un beau bouillon clair, très simple, bien connu, mais terriblement efficace grâce à la qualité du duo. 

Reste alors que le plat de résistance qui va transformer ce duo à cordes: la voix de Louise Perret, ou l’une de mes très belles découvertes du festival. La chanson française n’a pas de grande place dans mon cœur, et seuls quelques élus au verbe haut ont su s’y en faire une, Claude Nougaro et Camille Bertault en tête. Il semblerait bien que la chanteuse du Melkoni Project ait trouvé sa place à leurs côtés. Avec ceux qui maîtrisent l’art de faire de leur voix un instrument, au même titre que n’importe quel autre. Un instrument parfois effréné, à la scansion irréprochable, un instrument parfaitement placé, tantôt puissant, tantôt discret. Louise Perret a l’intelligence rare du dosage parfait, tout le temps. Je n’ai pas eu de dessert mais je suis repu, et je repars du musée avec une superbe révélation en moi. 

En revanche, il n’y aura pas de révélation, de quelque sorte qu’elle puisse être, pour moi, à l’Opéra, que je quitte prématurément. Le Harlem Gospel Choir n’a pas su m’emporter, malgré des chanteurs excellents, notamment Kiara Alisha Ray et son Greatest Love of All qui aurait pu me toucher si son sens n’en avait pas été dévoyé pour l’occasion. Je ne suis tout simplement pas fait pour les prêches, aussi brillamment délivrés qu’ils peuvent être.

J’oublie vite cette déconvenue pour aller mieux découvrir les Lazcar Volcano à la palette si large. Ce soir, c’est Cécile Thibert qui attire particulièrement mon attention, notamment sur l’introduction d’El Apagon, qui a un petit air de Concierto de Aranjuez. La trompettiste a un son franc que je finis par entendre toujours un peu plus que le reste, peu importe le style dans lequel le Brass Band décide de s’aventurer. Quel son!

Photos : Didier Radiguet