Ça y est. C’est fini. C’est ma dernière nuit fiévreuse d’écriture furieuse. Demain, je repars à Paris. Je dis au revoir à 11 jours de concerts d’un très haut niveau, de bout en bout. Je dis au revoir à un cru 2022 d’une qualité constante exceptionnelle. Je dis au revoir à ces émotions fantastiques que le festival insuffle en moi. Je dis au revoir aussi et surtout à des êtres humains à la bienveillance précieuse, à une équipe incroyable qui porte le festival et qui nous permet de simplement venir quelques minutes avant le concert, de s’asseoir, et de profiter. De rire, de pleurer, de s’extasier. Ces émotions délicieuses nous sont offertes sur un plateau, et notre seul devoir est de les laisser nous pénétrer. Je mesure une fois de plus l’immense chance que j’ai de pouvoir faire partie d’un tel événement.
Encore une fois aujourd’hui, je n’ai qu’à pénétrer dans l’Opéra de Limoges, prendre place, et attendre sagement que l’on vienne chercher mes sentiments. Dans un registre que je connais parfaitement mais dont je me suis éloigné avec le temps, Fred Wesley et ses New JB’s entraînent le public avec eux pour la dernière fête du festival. Au menu, des grands classiques comme Gonna Have a Funky Good Time ou Get on the good foot, des machines à lever les foules comme Pass the peas auxquelles je ne suis pas insensible, et une énergie débordante de chaleur.
Je découvre Jay Rodriguez sous un angle très différent de ce que je connaissais de lui, moi qui l’avais vu pour la dernière fois dans le quintet de superstars de Jason Miles aux côtés de Théo Croker et Reggie Washington. Cet après-midi, il est le carburant de la fournaise JB’s. Ses pas de danse, sa présence et son élégance attire mon œil que j’ai du mal à détacher de lui. Pour ne rien arranger, il se trouve que ses solos de saxophone, bien qu’un peu court dans ce format, sont particulièrement alléchants, notamment le tout dernier du concert sur Chameleon qui n’aura à mon grand désarroi pas duré les 15 minutes réglementaires.
Heureusement, la fin du concert ne signifie pas encore tout à fait la fin du festival. Reste encore le cocktail de clôture et la jam qui l’accompagne. Et qui sait ce que la nuit nous réserve ? A la jam, je reconnais avec plaisir beaucoup de figures qui m’ont enchanté sur différentes éditions du festival. Les membres de D.O.T., Gaspard Guerre, Sylvia Ribeiro Ferreira ou encore Caroline Bugala, entre autres, partagent la scène pour prolonger encore un peu mon plaisir. La jam dure, et je voudrais qu’elle dure encore longtemps. Mais il est temps de ranger. La fin approche très vite. Je traîne, je ne suis pas tout à fait prêt à quitter tout cela. Un dernier verre ailleurs ? Mais bien entendu. Surtout lorsque Jay Rodriguez est présent et fait taire la petite assistance pour un ultime moment magique à la flûte traversière. Il est temps de rentrer, de parcourir les quelques mètres qui me séparent de mon bureau pour me mettre une dernière fois au travail cette année.
Il est 2h30. Je suis épuisé. Les nuits sont courtes pendant Éclats d’Émail. Mais si cette nuit, on m’appelait pour rempiler pour une semaine de plus, je n’hésiterai pas une seule seconde. Une semaine, un mois, l’année entière ? Où signe-je?
Ça y est. C’est fini. C’est ma dernière nuit fiévreuse d’écriture furieuse. Demain, je repars à Paris. C’est bientôt novembre 2023?
photos : Didier Radiguet