Jour 2 : A song of Ice and Fire

Il est difficile de prévoir ce qui nous attend avant d’entrer dans la BFM de la Bastide. Il faut chercher un peu cette dernière avant de pouvoir y pénétrer, et l’architecture de la bibliothèque ne laisse pas deviner qu’en son sein, dans un coin aménagé pour l’occasion, de telles notes vont jaillir pour ravir nos oreilles. Un concert de Gaspard Guerre, cela se mérite.

Il y a un an, j’avais été à la fois heureux et frustré de la performance de son quartet, plein de promesses mais avec encore du chemin à parcourir. Et quels pas de géant! Ce soir, ils ne sont que trois, pour une formule inédite. Gaspard Guerre est accompagné de Louis Mardivirin au saxophone et d’Antoine Fouquet, multi instrumentiste très à l’aise avec la M.A.O., partie intégrante du projet présenté ce soir.

Je croyais connaître les compositions du batteur, mais ce soir je les découvre sous un tout nouveau jour, à travers ce trio et grâce à la grande pertinence du multipad qu’utilise le batteur. Il ne semble plus avoir besoin d’insuffler toute l’énergie nécessaire au bon fonctionnement de sa formation seul, celle-ci coulant naturellement entre les trois compères. Ce qui laisse beaucoup plus de place à l’interprétation et au jeu qui font briller les excellentes créations du compositeur. A partir d’Arena, je prends une petite claque. L’enchaînement Arena, Éther et Incapacity, La Beauté est admirable. La fureur d’Arena et l’épique d’Éther, étaient deux rampes parfaites pour le slam bien senti d’Incapacity, La Beauté. Un texte écrit, une rythmique simple, et la voix du batteur parfaitement placée, il n’en fallait pas plus pour finir de m’emporter.

Gaspard Guerre finira le set seul avec Translation, laissant libre cours à sa joie communicative, et démontrant une fois de plus la qualité du travail autour de la M.A.O., parfaitement orchestrée pour qu’il puisse tisser autour d’elle des motifs grisants. En un an, je suis passé d’un souvenir plaisant mais encore un peu frustrant à une expérience que j’aimerais déjà pouvoir revivre et que j’aurais bien voulu prolonger. Mais les concerts s’enchaînent et il faut déjà partir pour l’opéra retrouver Toni Green.

C’est un opéra polaire devant lequel la chanteuse et ses musiciens se présentent. Le public plutôt frileux du soir semble difficile à emmener dans le sillage de la voix surpuissante de cette grande dame de la Soul. Pendant de longues minutes, la salle semble hagarde, presque apeurée par la toute puissance de Toni Green. J’ai moi aussi du mal à pénétrer cet univers pourtant chaleureux, enlacé par la morsure glaciale de l’atmosphère.

Les musiciens et la chanteuse, eux, ne cèdent surtout pas à cette léthargie et s’emploient à démarrer un feu. Doucement mais sûrement, de brindille en brindille, de flammèche en flammèche, la salle s’anime. Toni Green met une première bûche dans le foyer avec Lil Boy Blues. Lorsqu’elle chante sans atour, dans un souffle, son timbre enflamme la salle. Ses quatre musiciens finissent d’allumer le brasier de l’Opéra à la faveur d’un interlude instrumental dans lequel Benoît Sourisse et Paul Héroux se déchaînent. Enfin, j’ai chaud. Au retour de Toni Green, c’est un nouveau concert qui démarre et les dernières balades de la chanteuse, pleines de grâce, m’atteignent finalement. Il aura fallu toute l’expérience du groupe pour réussir à tromper la torpeur de l’Opéra et conquérir la salle.

Peu de temps après, on a l’impression que le public enfin à température s’est retrouvé à l’Ambassade, où les Dustaphonics vont littéralement mettre le feu dès leur premier morceau et ce pendant tout leur concert entre garage et surf. Yvan Serrano et ses comparses n’ont aucun mal à tenir une cadence pourtant échevelée jusqu’à tard dans la soirée.

photos : Didier Radiguet