Mercredi 28 octobre 2020 : annonce d’un nouveau confinement partout en France, les salles de spectacle doivent être à nouveau fermées. Le festival Éclats d’Email est reporté à décembre, après la fin du confinement.
Jeudi 10 décembre 2020 : les salles de spectacle ne rouvriront pas avant le 7 janvier, annonce Jean Castex. Le festival est annulé.
Mardi 2 novembre 2021 : Kellylee Evans ne pourra pas être présente pour le concert d’ouverture du festival, elle est remplacée au pied levé par Hugh Coltman
Mardi 9 novembre 2021 : James Carter ne peut se rendre en France, son concert est annulé, il ne sera pas remplacé
Samedi 13 novembre 2021 : Abdallah Abozekry est cloué au lit par la maladie, il est remplacé par Mangane pour son concert matinal
Jeudi 18 novembre 2021 : Dans un état de santé préoccupant, Brad Mehldau est obligé d’annuler une partie de sa tournée, dont son concert du lendemain
Dimanche 21 novembre 2021 : fin d’une édition 2021 du festival Éclats d’Email éprouvante, mais surtout riche de concerts sublimes, de moments de musique magiques, de découvertes et redécouvertes époustouflantes.
Voilà à quoi ressemble la partie visible de l’iceberg. Et déjà, elle a des airs de scénario catastrophe, d’As I Lay Dying où la seule échappatoire ne mène qu’à une nouvelle calamité. Mais les organisateurs de ce festival, tout comme les personnages de Faulkner, sont tenaces. Ils ont vu la partie immergée de l’iceberg, ils l’ont toisée du regard, et ils ont foncé dedans. Et pour quel résultat.
Un des meilleurs concerts de Hugh Coltman selon ses propres dires, deux passages poétiques et engagés de Jî Drû et Sandra Nkaké, un concert de M.O.M. qui m’a renvoyé aux grandes heures du trio d’Ornette Coleman, deux heures de larmes devant le solo de Yaron Herman, le public qui ne veut pas laisser partir Erik Truffaz après un concert brillant de bout en bout. Voilà ce que l’on peut faire en récupérant des troncs d’arbres dans les roues, en se battant contre ouragans et tsunamis.
Avec ténacité. Le cru 2021 est sans aucun doute exceptionnel, et l’Amazing Keystone Big Band n’est même pas encore monté sur scène pour parachever cette édition. Alors que David & Co jouent des pitreries aussi brillantes que ce jeu de mots est inspiré, et offrent un véritable moment d’émerveillement au public. Célia Kameni me stupéfait. A chaque titre, j’ai l’impression d’entendre une nouvelle voix. Les mutations vocales sont fulgurantes comme si la chanteuse avait en elle les âmes d’innombrables chanteuses qu’elle mêle à la sienne à loisir.
Pour ne rien gâcher, j’aperçois aux côtés de David Enhco un visage qui me semble familier et dont la trompette va vite me raviver la mémoire. En ouverture, Hugh Coltman avait eu le droit à Laurent Coulondre comme pianiste remplaçant, en fermeture, c’est Hermon Mehari qui joue les remplaçants de luxe dans un orchestre haut de gamme. La boucle est bouclée, le concert est un ravissement pour l’oreille et l’esprit, de bout en bout. Une fin superbe pour un festival au déroulé qu’aucun esprit, tordu ou non, n’aurait pu imaginer. J’ai hâte de voir quel scénario le sort réservé à Éclats d’Émail l’an prochain.
photo : Didier Radiguet