Les traits un peu tirés, Simon Denizart s’installe au piano. La nuit fut courte, le concert débutant ce matin à 9h30 dans l’espace musique de la BFM de Limoges, entre deux rangées de bibliothèques. Pari risqué en termes d’acoustique, mais pari gagnant. Le son est limpide, qu’il vienne de la calebasse d’Elli Miller Maboungou ou du piano de Simon Denizart. Je suis encore dans la bibliothèque, et je n’y suis déjà plus vraiment. Tiny Desk a du souci à se faire.
On peut d’ailleurs se demander pourquoi on n’a pas encore vu le duo se produire sur cette scène emblématique. La nuit fut courte, pour moi aussi, mais l’énergie du duo m’envahit immédiatement, me transporte. Elli Miller Maboungou emplit à lui seul tout l’espace qui m’entoure, comme si la section percussion était composée d’un petit régiment. Simon Denizart n’a plus qu’à offrir à ces esquisses sensorielles la couleur qu’il leur manquait encore.
Puis, les rôles s’inversent. Le pianiste croque, le percussionniste peint. Le tableau est parfait, l’accord également. La journée commence tout juste, et je me sens déjà accompli. Je pourrais m’arrêter maintenant, bercé par une musique si riche qu’elle aurait amplement suffi à me nourrir pendant une petite éternité.
Mais la journée n’en est qu’à ses prémisses. Erik Truffaz et son quartet présentent ce soir à l’Opéra Lune Rouge, dernier projet du trompettiste français. Je suis frappé, encore une fois, par la qualité du son. Bien entendu, nous sommes à l’Opéra, qui offre déjà une très bonne acoustique. Mais le groupe d’Erik Truffaz semble être parti en quête de perfection ce soir, au diapason du trompettiste.
Lorsqu’il décide de jouer un duo avec Benoît Corboz au piano, ses premières phrases éclatent dans toute la salle comme les premiers vers d’une ode à la justesse, une démonstration magistrale d’intelligence musicale. Ces instants de grâce où le son de sa trompette était quasiment nu ont parfaitement diapré ce concert-recueil de moments magiques servis par un groupe en quête d’un idéal qu’il a pu tutoyer à plusieurs reprises.
Quel que soit le style dans lequel ils avancent, l’approche qu’ils décident de prendre, l’équilibre n’est jamais rompu. Tao Ehrlich et Marcello Giuliani ne ratent rien, me laissant penser que l’exceptionnel rime avec l’habituel dans ce groupe. La tranquillité de Truffaz joue probablement un rôle prépondérant à la création de ce sentiment d’aisance et de quiétude qui émane du quartet. Un concert tout simplement exceptionnel.
Après une journée où le son a régné en maître, la tâche de Blaxbird à l’Ambassade était ardue, et le groupe ne m’a au départ pas entraîné avec lui, malgré une setlist accrocheuse avec notamment Across 110th Street, grand classique de Bobby Womack auquel il est bien difficile de résister. Après une petite pause, le groupe enclenche la vitesse supérieure au deuxième set et je finis par me faire emporter à mon tour par la funk du sextet, bien aidé par le trompettiste Mathieu Bayon, qui devait pourtant passer après Erik Truffaz…
photo : Didier Radiguet