Parfois, une bonne entrée en matière peut faire toute la différence. Les membres du groupe de Miss Understood l’ont bien compris. Ils entrent sur scène tour à tour, en enjoignant les nombreux spectateurs de la BFM de l’Aurence à participer à la création de ce premier moment musical. Ainsi, ils réussissent à créer une ambiance qui lance parfaitement leur concert. L’énergie communicative du groupe fait le reste, et permet d’effacer les imprécisions qui se glissent dans la performance. Je ne peux rester jusqu’au bout et m’éclipse peu de temps avant la fin, afin de ne pas être en retard au concert de Roberto Fonseca, l’attraction principale de ce neuvième jour de festival.
Je suis plutôt d’humeur mélancolique ce soir, et je sais pertinemment que le concert qui m’attend n’est absolument pas dans le même esprit. C’est plutôt tout l’inverse. Et effectivement, dès leur arrivée sur scène, je comprends vite que les musiciens de Roberto Fonseca sont là pour offrir un véritable show à la cubaine. La machine musicale parfaitement huilée se met en route et est inarrêtable. Entre les petites chorégraphies habituelles de ce genre d’ensemble, les clins d’oeil au public en les faisant chanter Hey Jude, les invitations répétées à chanter et à taper des mains, la démonstration du groupe est impressionnante. Ils maîtrisent parfaitement tous les codes pour enflammer une audience, et bien entendu, l’Opéra est en feu.
Pendant quelques temps, un petit démon intérieur me souffle que tout est trop parfait, trop beau pour être vrai, qu’il manque une petite dose d’authenticité dans ce concert mené au cordeau. Ce petit démon insiste, vient me chercher à plusieurs reprises. Mais en réalité, il est déjà trop tard. Beaucoup trop de belles choses se déroulent sous mes yeux pour qu’une humeur ou des doutes puissent empêcher ma température de grimper. Yandy Martinez est le premier à venir me chercher pour m’inviter à la fête. J’avais rarement vu quelqu’un danser si bien avec un instrument, alors avec une contrebasse… Cela semble pourtant complètement naturel pour lui, et me voilà déjà un peu plus immergé dans l’atmosphère fiévreuse de l’Opéra. C’est ensuite au tour de la voix d’Alcibiades Durruthy López de faire le siège de mes sentiments sur No me Llores Más, et je ne vais pas m’en sortir beaucoup mieux que Byzance.
Fragilisé, acculé, le petit démon jette ses dernières forces dans la bataille, et c’est malheureusement pour lui le moment que chosit Roberto Fonseca pour un duo avec Andres Coayo sur Oscar Please Stop. Ils ont gagné. Et moi aussi. Le jeu du pianiste m’assaille et m’émerveille. Dès lors, je chante, je tape des mains, je danse, enfin accordé à la fièvre qui a saisi la salle.
Me voilà dans de bien meilleures dispositions au sortir de l’Opéra, prêt à aller écouter les Lazcar Volcano alors que je continue à chantonner Ay Ay Ay Ay que dolor sur le chemin. Le Brass Band peut passer du rap écologique à la samba sans sourciller, et le résultat est assez décoiffant. Le petit ensemble protéiforme s’aventure sur des territoires extrêmement variés sans aucun faux pas. J’ai cependant la sensation de ne pas avoir pu explorer suffisamment leur univers si riche en seulement une soirée. Ça tombe bien, ils rejouent demain.
Photos : Didier Radiguet